Eboshi, ou la civilisation envahissante

Échange avec Sylvain - Commentaire de Quyên - Point de vue de Maxime

 

Sylvain :

Si j'ai bonne mémoire, pas mal d'internautes prenaient la défense de dame Eboshi malgré qu'elle veuille tuer le SHISHI GAMI (et qu'elle y arrive, la méchante) ...

Pour donner mon avis je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui la défendent et qui évoquent le fait qu'elle recueille des "putes" et les lépreux que tout le monde méprise pour leur donner du travail.

Vers la fin quand Ashitaka la prévient que la forge est attaquée et que ses femmes ont besoin d'elle pour lutter contre les troupes envahissantes, elle continue son chemin pour aller tuer le SHISHI GAMI sans se préoccuper de ce qui peut arriver à tous ceux qu'elle a recueillis.

Elle ne pense qu'à son propre destin en voulant prendre la tête du SHISHI GAMI pour obtenir les bonnes faveurs de l'empereur, même si à long terme elle le fait peut être pour ne plus être "emmerdée" par les troupes de l'empereur qui lui rackettent son fer.

En visionnant plusieurs fois de suite le dvd, ce sentiment ne faisait que se renforcer et dame Eboshi apparaissait de plus en plus comme une égoïste et manipulatrice. Plus le film avance plus son côté "protectrice des pauvres et des démunis" (comme Robin des Bois) se transforme en orgueil, cupidité et folie meurtrière malgré les avertissements de notre jeune Ashitaka.

 

Gildas :

Eboshi est certainement prisonnière de sa vision du monde.

Mais surtout, elle doit assurer son indépendance (toute relative) vis-à-vis de l'empereur. Elle peut sembler insensible quand Ashitaka la prévient de l'attaque de la forge, mais réfléchis à la situation : Jiko l'a déjà vertement prévenu que les arquebusiers et les trappeurs ne sont pas venus pour rien. Elle est quasiment seule avec eux et joue son avenir. Il y a même un des suivants de Jiko qui se demande bien pourquoi on a besoin d'elle.

Or Eboshi connaît trop bien les risques qu'elle prendrait à désobéir à l'empereur. Montrer le moindre signe d'hésitation au moment ou elle est entourée d'ennemis potentiels serait du plus mauvais effet. Tous les regards sont braqués sur elle, elle le sait et elle est coincée...

Manipulatrice Eboshi ? Sans doute, mais je crois que son seul but est d'assurer l'avenir de sa petite communauté.

Quand elle se retrouve avec le bras arraché et qu'Ashitaka lui porte secours, elle lui demande de la laisser.

Culpabilité ? Orgueil ?

Certainement.

Ce défaut là correspond bien à la personnalité d'Eboshi, qui est très proche de celle de Kushana dans Nausicaä.

Folie et cupidité, je ne crois pas. Eboshi, à la différence de Jiko, tire des leçons des événements. Elle a été sauvée par Ashitaka et San et semble prête à repartir sur de nouvelles bases...

 

Sylvain :

Je continue de croire à cette haine relative qu'éprouve Eboshi envers le dieu de la forêt et les autres dieux.

Ce qui lui fait appuyer sur la détente est plus le désir de vengeance envers celui qui représente ceux qui ont tué ses hommes auparavant, que le désir d'obéir à l'empereur pour sauver sa communauté.

Et puis rappelle toi, c'est elle qui a causé la furie de Nago et qui continue à détruire la forêt malgré les animaux qui la défendent.

Les attaques des dieux et de leurs animaux ne sont là que pour défendre la forêt contre l'envahisseur, alors qu'Eboshi attise cette "guerre" en détruisant de plus en plus la forêt et en employant les grands moyens pour tuer Nago.

Quand je parle de folie pour Eboshi, c'est plus pour son désir de vengeance absolue à toujours vouloir en "remettre une couche" sur le conflit ou avoir le dernier mot si tu préfères.

Elle ne comprend pas que plus elle continue à exploiter la forêt, plus les animaux seront furieux et donc plus sa communauté sera en danger.

C'est sur ce point que je considère sa folie meurtrière.

C'est seulement quand elle se retrouve physiquement touchée qu'elle se décide enfin à vivre en paix avec la forêt.

C'est un point de vue différent du tien mais il est valable.

Sylvain

 

Gildas :

Ce point de vue me semble tout à fait justifié. Je n'avais pas compris l'expression 'folie meurtrière' dans le sens ou tu l'utilises, et vu comme ça je suis d'accord avec ton interprétation.

D'ailleurs, Ashitaka le lui dit :

"Un démon vous possède vous aussi, plus terrible que celui de la princesse".

Pour autant, je n'arrive pas à en vouloir à Eboshi. Je pense qu'elle en a pas mal bavé dans sa vie.

N'oublions pas qu'elle a dû être une courtisane et qu'à l'ère Muromashi, c'était une fonction bien aléatoire. Sa façon d'encourager les femmes du village à prendre leur destin en main montre qu'elle a dû être profondément blessée par les hommes.

Gildas

Échange avec Sylvain - Commentaire de Quyên - Point de vue de Maxime

 

Commentaire de Quyên

Je me permets de donner mon avis sur Dame Eboshi... Je trouve étrange de parler de folie meurtrière à son propos. Une chose met, à mon avis, sa cruauté en avant, c'est quand elle ne secourt pas les blessés au moment de l'attaque de San et des loups. Mais il me semble, je me trompe peut-être, que cette femme, si elle est orgueilleuse (sans ambition, comment aurait-elle fait ce qu'elle a fait, organiser ce village, faire marcher les forges, etc ?), a simplement l'orgueil d'une vision assez audacieuse des choses et de la valeur de l'Homme. Je ne crois pas qu'elle ne pense qu'à son indépendance par rapport à l'empereur et aux seigneurs voisins, mais qu'elle défend son oeuvre et son indépendance parce qu'elle cherche à réaliser une sorte utopie (je pense aux utopies politiques), une cité idéale : au moins à l'échelle de son village, un univers où l'homme soit au centre du monde.

J'imagine que Gildas a raison de parler de ses souffrances passées. Peut-être qu'en tant que femme, elle en a bavé d'être toujours subordonnée à autre chose, au désir d'autres personnes, et qu'elle voudrait que pour une fois le monde plie devant l'Homme et non le contraire ?

Je pense qu'elle a conscience des dangers de sa quête (elle est courageuse, elle risque bien sa vie, elle aussi) mais qu'elle pense que son idéal dépasse cela. C'est drôle, elle veut que l'Homme soit au sommet, mais n'hésite pas à mettre en danger des hommes particuliers. C'est le propre de certains systèmes idéologiques...

Ceci dit, je comprends que certains, comme Sylvain, la détestent; moi, je voulais qu'elle meure.

Quyên

(je suis une fille, je précise parce que ça ne se voit pas dans mon prénom pour les non-Vietnamiens!)

Échange avec Sylvain - Commentaire de Quyên - Point de vue de Maxime


Point de vue de Maxime

 

Je trouve personnelement que Dame Eboshi est d'une horrible cruauté, elle est machiavélique ! Elle me fait souvent penser à Saroumane dans "Le Seigneur des Anneaux". Rapprochement est assez flagrant : ils veulent tout les deux la puissance par l'industrie et la cité Tatara fait penser à Orthanc. Néanmoins je vais développer la thèse sur la cruauté de Eboshi :

Après être devenue leur sauveur et gagné leur ferveur (pour couvrir ses arrières) celle-ci a construit les Forges tels qu’on les voit dans le film.

Mais si on regarde bien, elle n’a aidé ses gens que pour cette île et son minerai, que pour fabriquer des mousquets donc pour la guerre.

 

Cela me fait penser au phénomène de la « guerre totale » (souvent employé dans le contexte des deux guerres mondiales), là c’est pareil : toutes les classes de la société aident à l’effort de guerre. Les femmes s’occupent des forges, les bouviers rapportent la nourriture et le minerai, les mousquetaires se battent, les lépreux inventent de nouvelles armes,…

Dame Eboshi manipule totalement ce peuple pour satisfaire ses propres ambitions : tuer les dieux, raser la forêt, se faire respecter de ses ennemis. Dans certaines scènes on voit bien son indifférence totale envers « son » peuple :

- Elle refuse d’envoyer quelqu’un récupérer les hommes tombé dans le ravin.
- Elle reste indifférente quand ses hommes se font massacrer à la grande bataille contre les sangliers.
- Elle laisse les hommes de Jiko mettre ses bouviers en esclavage.
- Enfin, elle refuse d’aider les forges, attaqué par les Samouraïs.

Elle s’obstine à vouloir tuer le dieu Cerf comme tous les dieux d’ailleurs. Avec Jiko, elle monte un plan pour tuer et elle « tue » celui-ci.

Je ne pense pas que l’on peut dire qu’elle est folle car elle est en pleine conscience de ce qu’elle fait. Elle n’a juste aucune idée des conséquence qu’elle peut causer et pour elle, seul le résultat compte, les vie humaines et les conséquences sont moins importantes.

Quand Jiko arrive avec les chasseurs et les Karagasaren, et qu’il lui rappelle que les arquebusiers de l’empereur ne sont pas venus pour rien, elle se rend vite compte qu’elle ne peut qu’obéir à Jiko qui lui met le couteau sous la gorge. En effet, sans les arquebusiers, les forges sont sans défenses. Voyant qu’elle va devenir une marionnette, elle entraîne les femmes, digne de confiance, pour défendre la forteresse. (on ne remarque les femmes-combattantes que quand Jiko et ses hommes arrivent) « elle sont bien braves vos petites forgerones Dame Eboshi ! » lance Jiko, on sent qu’il nargue la maîtresse des forges pour lui montrer qu’il sait qu’elle veut voler de ses propres ailes.

Je suis d’accord sur le fait qu’elle a refusé d’aider les femmes à la fin car Jiko avait l’œil sur elle mais les autres scènes sont très édifiantes !

Je crois que pour une raison inconnue, elle a développé une haine (personnelle) très forte envers les dieux (ce qui expliquerait la phrase d’Ashitaka : « un démon vous possède vous aussi, plus terrible que celui de la princesse ») cette haine est si forte, si intense qu’elle la pousse à agir maléfiquement.

Quand elle se fait arracher son bras par la tête coupée de Moro, c’est un moment très spécial car elle le dit elle-même « Même une fois coupé, la tête du loup peut encore mordre » elle est donc prise à son propre dicton.

Échange avec Sylvain - Commentaire de Quyên - Point de vue de Maxime

 

Retrouver les menus

 

Vous pouvez, vous aussi, apporter votre contribution
à la réflexion sur ce personnage en m'écrivant.

Cliquez ici pour m'écrire.