Pure et dure comme un diamant

C'est chouette que le film porte le nom de San, elle est magnifique. Grandir, c'est perdre son intégrité, apprendre à avaler des couleuvres.

San, pour moi, c'est l'enfance dans toute sa splendeur tranchante :
elle est pure et dure comme un diamant, et à mon avis, c'est pour cela qu'Ashitaka l'aime...

Quyên (le 13/06/2002)

 

San, ou l'esprit sauvage

Pour ma part, j'avoue n'avoir pas compris du premier coup pourquoi ce personnage donnait son nom au film. Et pourtant... elle est est le trait d'union entre le spectateur et les forces de la nature.

D'une personnalité enflammée et entière, Elle ne fait pas de compromis.

 "Je ne suis pas humaine ! Je suis une louve !"

San souffre d'un conflit intérieur que sa rencontre avec Ashitaka va révéler. En effet elle n'a pas été simplement "abandonnée" par les hommes. Ses propres parents l'ont jetée en pâture aux loups pour fuir !
Rejetée par ses parents alors qu'elle n'était qu'un bébé, elle a été élevée par Moro, la Déesse-louve.

Celle-ci lui a appris à survivre dans la forêt, et à se battre contre les humains, dont la simple odeur suffit à la mettre mal à l'aise. 

San a donc grandi en rejetant sa propre humanité, refoulant au fond d'elle les émotions et les désirs humains qu'elle pouvait ressentir.

En dépit de sa véhémence, de son agressivité et de sa haine pour les humains, elle reste un personnage émouvant. C'est une idéaliste, plus encore peut-être que Dame Eboshi. En effet la forêt est toute sa vie, tandis qu'on se doute qu'il y a un "avant" très complexe pour la maîtresse des forges.

Non seulement San connaît très bien la forêt, mais elle est aussi familière avec tous les dieux-animaux qui y vivent. Elle sait également comment s'y prendre pour que le dieu-cerf guérisse Ashitaka.

 

Eveil aux émotions humaines

Prête à donner sa vie pour son idéal, elle reçoit le plus grand choc de sa vie quand Ashitaka, mourant, lui dit qu'il la trouve jolie. C'est la première fois dans l'existence de la jeune fille qu'un humain risque sa vie pour elle.

"Abattu par ta propre tribu... tu vas mourir ?" demande-t'elle, incertaine.

A cet instant, Ashitaka est sans défense devant San, tout comme elle quand Moro l'a recueillie au lieu de la dévorer...

Du coup, confrontée aux orangs-outangs qui veulent le manger, elle ne peut se résoudre à l'abandonner.

Quand plus tard, Ashitaka convalescent se montre incapable de manger seul, elle lui mâche sa nourriture pour le nourrir de bouche à bouche. Elle s'occupe de lui tout comme Moro s'est occupée d'elle.

Une scène d'une émotion et d'une force exceptionnelle, dont je ne crois pas avoir jamais vu l'équivalent dans aucun autre film.

Ainsi, au contact d'Ashitaka, l'humanité va progressivement se réveiller dans le coeur de San. Mais cela ne va pas pour autant la faire renoncer à son idéal.

Entre amour et sauvagerie

San nous met devant un dilemme : nous ne pouvons qu'admirer son dévouement envers Moro, sa foi en son idéal. Nous ne pouvons qu'être émus de l'attention qu'elle porte à Ashitaka et de la sensibilité qu'elle montre à cette occasion. Mais San est une guerrière, une combattante qui attaque les humains avec les sangliers d'Okkoto.

Même après la mort du Dieu-cerf et la renaissance de la forêt, quand tous se retrouvent finalement face à un nouveau départ, elle reste incapable de pardonner.

"Ashitaka, je t'aime beaucoup, mais je ne peux pas pardonner aux humains"

Tout n'est pas bien qui finit bien mais il y a là encore matière à réflexion.

Pardonner ne se décide pas d'un coup. Parfois, la chose n'est d'ailleurs même pas possible.

Ashitaka le comprend parfaitement, et se montre disposé à attendre le temps qu'il faudra, et même à accepter que San reste comme elle est.

Mais Ashitaka est un être d'exception, et bien des spectateurs n'ont compris ni le ressentiment de San ni la patience d'Ashitaka.

 

Coeur et rancoeur

Tous autant que nous sommes, nous avons en nous des haines. Et des souffrances qui nous font fermer nos coeurs aux autres. De ce point de vue, San est à notre image, nous renvoie notre image, et nous amène à réfléchir à ce qui se trouve dans notre propre coeur.

Le spectateur est alors appelé à interroger sa conscience. Est-il capable d'avoir le regard clair et lucide d'Ashitaka ?

A-t-il en lui autant de colère et de tristesse que San ?

Je pense que certains les spectateurs peuvent se sentir plus proches de San que d'Ashitaka, trop sage pour être vraiment compris par tout le monde.

Si Miyazaki a donné ce titre à son film, c'est parce qu'en chacun de nous il y a cet esprit sauvage, idéaliste, violent et rancunier, toujours prêt à s'enflammer. Il fait autant partie de l'espèce humaine que l'espèce humaine fait partie de la Nature.

Le fait d'en prendre conscience peut nous aider à devenir meilleurs, mais pour cela, il faut du temps et de la patience.

Il faut arriver à voir le monde avec un regard lucide....

Gildas

mis à jour le 3 juin 2002
merci à Sylvie :o)

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