(c) GBVI, Tôkuma Shôten & Ghibli

D'où sort ce film ?


Kiki, la petite sorcière (Majo no Takkyubin - 1989) est le cinquième film de Miyazaki, et son premier très gros succès au Japon.

Ce film répondait à plusieurs intentions, tant de la part de Miyazaki que de son producteur Toshio Suzuki. C'est le premier des studios Ghibli à avoir obtenu de gros résultats au box-office japonais. Sa sortie sur nos écrans est un véritable événement, puisqu'une fois encore, la France est le seul pays occidental à avoir la chance d'en profiter.

 

Le scénario est adapté d'un livre de Eiko Kadono, écrivain très connue au Japon pour ses oeuvres de littérature enfantine. Cependant, Miyazaki dut lutter avec elle pour imposer les changements scénaristiques qui lui paraissaient nécessaires.
Une partie du titre (Takkyubin), ainsi que le petit logo représentant Kiki sur son balai ont été empruntés à une société japonaise de messagerie exprès, dont les dirigeants n'avaient pas été prévenus initialement. C'est Takahata qui négocia pour éviter un procès, et obtînt même que la dite société participe au financement du film. Finalement le film fit à l'entreprise une fantastique publicité.

 

  

cadre de l'histoire

Le monde dans lequel se déroule l'histoire ressemble au nôtre. On se croirait dans l'Europe des années trente ou quarante, mais une Europe pacifique et prospère dans laquelle la magie existe, et est acceptée par tout le monde comme allant de soi. Il est sans doute utile de rappeler qu'à l'époque ou Madame Kadono a écrit son livre, Harry Potter n'avait pas encore été inventé. D'ailleurs le statut de la magie n'est pas du tout le même dans Kiki. Certes les sorcières n'y sont pas courantes, mais en voir une voler sur son balai n'étonne pas beaucoup plus qu'un dirigeable ou un avion. Elles font partie de la société, et sont même plutôt bien vues.
Kiki vient d'avoir treize ans et doit quitter sa famille ainsi que le veut la tradition pour vivre seule durant une année entière, et développer ainsi ses propres talents. Il s'agit donc d'une histoire initiatique, bien qu'elle ne fonctionne pas sur le registre du film d'aventure. Au contraire, comme dans Mon voisin Totoro, Miyazaki s'applique à rendre ordinaire tout ce qui peut paraître magique, et confère par contrecoup aux petites choses du quotidien une saveur merveilleuse.
Alors qu'aujourd'hui d'autres auteurs sont devenus très célèbres avec des histoires de sorciers ou de sorcières, aucun n'a eu l'idée d'intégrer la magie d'une façon aussi naturelle à une histoire. Ici, pas d'école secrète, ni de conflits entre sorciers et gens normaux. Les personnages de Kiki, la petite sorcière vivent dans l'acceptation réciproque des particularités de chacun. On pourrait croire qu'un tel cadre n'offre pas beaucoup de possibilités scénaristiques. Or, la simplicité même des situations et des problèmes rencontrés par la jeune sorcière, en focalisant l'attention du spectateur sur ses émotions et son évolution intérieure, apporte au film toute sa magie.

 

 

Références

Kiki, la petite sorcière présente un curieux mélange d'inspirations. Si les décors et les costumes sont occidentaux, la façon dont l'histoire est développée est en revanche typique du Shoujô. Suivre du début à la fin une jeune fille de treize ans et en faire le personnage principal d'un film, cela reste en Europe une démarche d'auteur, tandis qu'au Japon c'est un genre à part entière. Il y a de ce fait dans La petite sorcière un challenge permanent pour mettre en cohérence l'acting japonais des personnages avec un cadre occidental. En dehors des particularités liées à la magie notamment, et qui donnent toute son originalité au scénario, l'Europe dans laquelle Kiki évolue est imprégnée de l'image idyllique, fantasmée même, que les japonais s'en font.
Le film s'adressant à un public nippon, les attitudes des personnages correspondent à un code gestuel subtilement différent du notre. Bon nombre de traits européens ont pourtant été intégrés aux comportements. Ainsi le soir de son départ Kiki embrasse ses parents, geste bien exotique pour un public japonais. Plus tard, Madame Osono offre à Kiki un chocolat chaud, là ou une japonaise aurait bien entendu proposé du thé.
Des détails de ce genre installent les spectateurs japonais dans l'impression d'un pays différent du leur, tandis qu'en France ils paraissent normaux. Le spectateur français peut éventuellement remarquer l'extrême courtoisie de tous les protagonistes, et la façon très japonaise qu'à parfois Kiki de s'incliner lorsqu'elle se présente à des inconnus. En revanche, les décors et les mouvements dans les rues restituent une ambiance très réaliste qui évoque tantôt le sud de la France, tantôt l'Europe du Nord, sans précision particulière. Les décors de la cité où s'installe Kiki sont en fait un mélange de plusieurs villes européennes que Katabuchi et Miyazaki ont visité à l'époque où ils sont venus en Europe pour travailler sur la série Sherlock Holmes.

toutes les images de cette page sont (c) Ghibli, GBVI et Tokuma Shôten