Du cinéma animé
La redécouverte d'Horus est, au moins
sur le plan filmique, une vraie claque. La présence dans l'équipe
des animateurs d'artistes aussi talentueux que Yôishi Kotabe, Reiko
Okuyama, Yasuji Mori, Yasuo Otsuka et Hayao Miyazaki explique certainement
en partie l'impact visuel de ce long-métrage. Mais le travail de
direction de Takahata est absolument sans précédent, puisqu'il
s'agit pour la première fois au Japon de mettre en pratique en
animation une mise en scène brillante, et proprement cinématographique.
Du coup, Horus ne ressemble à rien de ce qui se faisait à
l'époque en matière de mise en scène. Qu'il s'agisse
de mouvements de caméra, de scènes de foule, ou d'actions
simultanées à l'avant-plan et à l'arrière-plan,
Takahata ose tout, contraignant les animateurs à innover à
tous les niveaux. Même sur les passages non animés, sa façon
inédite de recréer l'espace à l'aide de la caméra
multiplan bouscule les conventions qui prévalaient jusque là
à la Tôei, donnant par exemple au spectateur l'illusion de
survoler un village et de zigzaguer entre les toits des maisons.
Lors d'une scène pendant laquelle tout un village se met à
pêcher, profitant du retour d'innombrables poissons, on se trouve
face à des plans qui intègrent des travelings, des entrées
de champs, des déplacements de personnages de l'arrière
vers l'avant plan, et même des enchaînements de lieu et d'action
dans un même mouvement de caméra. Ce genre de prouesse est
d'autant plus impressionnante qu'il n'y a pas de caméra posée
dans la scène, mais bien une reconstruction totale de l'action
dans son espace et sa temporalité, avec la volonté de donner
l'illusion d'une prise de vue véritable. Quasiment chaque plan
du film est ainsi une expérience visuelle, une tentative de créer
l'adhésion du spectateur par un traitement scénique qui
s'oppose non seulement aux productions Disneyiennes de l'époque,
mais aussi à celles de la Tôei en animation limitée.
Si la contribution du jeune Miyazaki fut essentielle pour parvenir au
résultat obtenu, Takahata revendique clairement le langage filmique
d'Horus, au point d'y avoir consacré un livre en 1983.
Horus est un film énorme, une leçon de cinéma, avant
même d'être un film d'animation.
On peut regretter que les contraintes posées par la direction aient
obligé le réalisateur à comprimer la durée
de son premier long métrage. Deux scènes particulièrement
difficiles ne furent finalement pas animées, et figurent dans le
montage final sous forme d'enchaînements de mouvements de caméra
sur des dessins fixes, qui donnent tout de même une idée
de ce qu'aurait été le résultat si tout avait pu
être fait comme le souhaitait le réalisateur. Yoishi Kotabe
devait animer ces scènes, mais ne put mener à bien le défi
considérable qui lui était lancé. C'est finalement
Miyazaki qui réalisa les dessins voué à les remplacer.
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Références
Takahata cite volontiers le cinéma d'animation
russe lorsqu'on l'interroge sur les films qui l'ont marqué. Le
petit cheval Bossu d'Ivan Ivanov-Vano (1947), et La Reine des Neiges de
Lev Atamanov (1957) comptèrent autant que La bergère et
le ramoneur (1950) de Grimault et Prévert.
Or, l'époque de la réalisation d'Horus est aussi celle pendant
laquelle les dirigeants des grands studios russes décidèrent
d'arrêter la production de long-métrages animés. Les
choix artistiques de Takahata dans la forme qu'il imprima à son
film ne sont pas sans rapport avec cet événement qui marquait
la fin d'une époque. A de nombreux égards, Horus est un
hommage à l'animation russe.
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