Certes le thème principal du film, une petite fille
se perdant dans un monde extraordinaire, ressemble à celui d'Alice
au pays des merveilles mais le contenu est complètement différent,
Miyazaki
réussissant l'exploit de créer un univers aussi riche (et même plus...)
que celui de Lewis Caroll et de l'illustrer mieux que pourraient
le faire tous les dessinateurs des studios Disney. Le scénario emprunte
des thèmes asiatiques, japonais et des thèmes plus universels (la
perte d'identité par exemple) qui font que ce dessin animé est compréhensible
par tous, seuls quelques clés nous manquent alors pour pouvoir le
décrypter complètement, mais celà n'altère en rien notre plaisir.
Essayons de débroussailler partiellement les thèmes de ce film : à première vue un des thèmes principaux est l'apprentissage de Chihiro, qui au début du film, allongée à l'arrière de la voiture avec un bouquet de fleurs fanées, nous apparaît peu sympathique mais au fil des rencontres et des épreuves devra changer de comportements pour pouvoir sauver ses parents. Elle fera l'apprentissage du travail, frottant les parquets, récurant les cuves sales des bains; l'apprentissage des relations sociales, humaines avec Haku. Ce n'est pas uniquement Chihiro qui évoluera mais aussi de nombreux personnages : Haku retrouvera son nom, le Sans Visage (monstre avalant tout sur son passage comme pour combler quelque chose) trouvera refuge chez Zeniba (la soeur jumelle de Yubaba), le dieu de l'eau sera purifié. Comme le dit Miyazaki dans ses interviews, les parents de Chihiro, à la fin, n'ont pas vraiment changé, n'ayant aucun souvenir des événements. Dans la ville que traverse Chihiro au début de son aventure se mélangent
les styles occidentaux et orientaux, ville western avec sa rue principale
éclairée la nuit de lanternes multicolores, bordée de restaurants
japonais exhalant Yubaba, pour sceller le contrat de travail dans l'établissement,
vole le nom de Chihiro en le réduisant à une de ses syllabes, Sen,
c'est de cette façon quelle contrôle tout ceux qui vivent dans son
royaume. Chihiro se souviendra de son vrai nom en le lisant sur la
carte qui se trouvait sur les fleurs fanées que lui avaient données
ses amies (à propos duquel Chihiro se demandait dans la voiture à
quoi il pouvait servir). Dans ce monde, une des taches de Chihiro
sera de se souvenir de son nom, de son identité et d'aider Haku (son
double) à retrouver le sien, c'est à dire retrouver ses origines,
ses traditions. Dans LE VOYAGE DE CHIHIRO, les apparences ne sont pas vérités,
les "mauvais" ne le sont pas totalement. Par exemple, Yubaba
se révèle être une ridicule mère poule envers son énorme bébé, syndrome
typique de nombreuses mères aujourd'hui On notera aussi la magnifique utilisation des couleurs qui sur ce
point rapproche Miyazaki de son ami Akira
Kurosawa. Toujours en harmonie, jamais ostentatoires, que ce soit
les magnifiques décors de l'établissement des bains avec ces murs
peints de dragons aux couleurs très expressionnistes ou quand Haku
métamorphosé en dragon La musique de Joe Hisaishi, qui a travaillé avec Miyazaki sur 6 films d'animations et avec Kitano sur Hana-bi par exemple, peut être intime, émouvante avec ses quelques notes jouées au piano, épique à l'orchestre quand Chihiro est poursuivie par l'homme sans visage; même la chanson finale chantée en Japonais, qui aurait pu rebuter, nous touche. Les dessins de Miyazaki (dessinés ou retouchés par lui à la main) débordent de détails, démontrent l'existence d'une vrai mise en scène : plongées, travelling, amples mouvements de caméra, du travail des couleurs qui s'appuient sur des techniques traditionnelles mais aussi parfois sur des logiciels d'animation informatique. Comparé au studio Disney, industrie produisant des dessins animés (parfois très bon certes), Hayao Miyazaki est un auteur, au vrai sens du terme, que ce soit au niveau du scénario, de l'animation ou tout simplement grâce à son imagination sans limite, débordante d'idées, de détails. Ces réflexions ne constituent que quelques pistes dans le foisonnement d'idées développé par ce film qui arrive à rendre les spectateurs émerveillés pendant deux heures. Jean-Charles extrait du site ECRANS POUR NUITS BLANCHES |